Raccourci d’une histoire des actualités 1945 à 2011



En second lieu et plus de vingt ans après cette opération originale et un recul suffisant, il paraît intéressant de prolonger la réflexion à l’histoire des actualités et à leur représentation qui s’étendent de l’après deuxième guerre mondiale à la période actuelle.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de refaire l’analyse continue d’une période aussi longue et aussi complexe, à laquelle se sont attachés nombre de journalistes et d’historiens spécialistes, les uns des questions militaires ou économiques, les autres des problèmes politiques et sociaux, que ce demi-siècle pose ; nous rappellerons plutôt quelques temps forts de cette longue histoire, et à l’aide d’exemples de réactions et de commentaires, le rôle et l’influence de la presse et des dessinateurs de presse dans la compréhension de l’actualité.



Hiroshima, Japon, Photo de la
première bombe atomique sur une
ville, 1945.
L’analyse des textes et des dessins de presse qui ont couvert la période de la guerre froide de 1945 à 1989 a permis de constater que les populations du monde ont vécu, partagées par une même crainte des missiles et de leurs ogives nucléaires, avec ancrés en toile de fond dans leur mémoire, les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki du Japon de 1945 ; et si après coup, on considère que ce type d’emprise et de terreur latente n’a pas été fatal au genre humain, l’interprétation approximative des forces de l’adversaire, des erreurs de commandements déclenchées par la surenchère entre les deux blocs, auraient pu rompre cet équilibre fragile.
Dans sa politique de Containment Truman, à partir de 1947 a tenté de limiter l’expansionnisme de l’URSS. A la création du plan Marshall en 1947-48 et de l’OTAN en 1950, a été opposée la création du Kominform  en 1947, du Komecon en 1949 et du pacte de Varsovie en 1955 : on a assisté à une profonde rivalité qui allait aboutir à la mobilisation de grands moyens militaires et financiers au détriment du bien-être des populations, en particulier de celles de l’Europe et des pays de l’Est.
Une première confrontation avait eu pour cause le premier blocus de Berlin en 1948,  et l’asphyxie de la population avait été évitée grâce à l’organisation du gigantesque pont-aérien américain. Une seconde confrontation dans la guerre de Corée (1950-1953) avait abouti au partage du peuple coréen : la Corée du Nord et la Corée du Sud qui subsistent encore actuellement, avec nombre d’incidents dans les territoires frontaliers.
Il convient de se rappeler aussi dans quel contexte idéologique ces évènements se sont déroulés. Staline d’un côté  en 1949 a essayé de neutraliser son opposition par de nombreux procès politiques et de grandes purges, de l’autre côté c’est à partir de 1947 que les Etats Unis ont dressé des listes d’artistes soupçonnés de favoriser l’idéologie communiste et sous l’influence du Mac Carthisme  (1950-1954) se sont livrés à une véritable chasse aux sorcières : les époux Rosenberg ont été exécutés en 1953, accusés d’avoir livré des secrets atomiques à l’URSS, pour ne citer qu’un exemple célèbre : ces savants pacifistes avaient sans doute souhaité un rééquilibrage des forces militaires entre les deux blocs ?
En 1956 au plan intérieur, de peur que l’insurrection hongroise ne s’étende de Budapest aux autres républiques de l’URSS, l’armée soviétique avait écrasé la capitale, livrée à elle-même et sans que l’Occident paralysé n’intervienne, malgré l’appel à l’opinion mondiale de Nagy.
A partir de 1959 Fidel Castro a installé un régime de type socialiste à Cuba avec le soutien de l’URSS et a accepté la construction de rampes de missiles, menaçant ainsi le territoire des Etats Unis : ce qui a déclenché l’intervention de commandos, formés en grande partie d’exilés cubains, dans la Baie des cochons (1962)

Plantu. Construction du rideau
de fer à Berlin-Est, à la demande des
Soviétiques.
Si nous revenons en Europe, il faut signaler la construction du rideau de fer à la demande des soviétiques pour lutter contre l’hémorragie des habitants de Berlin Est vers l’Ouest, et il s’en est fallu de peu qu’à Check-point-Charlie le 27 octobre 1961, la perspective d’une confrontation effective des chars américains et soviétiques n’entraine une troisième guerre mondiale ; la construc-tion de ce mur par la RDA, allait séparer, pour trente ans, la ville de Berlin en deux parties, privant les habitants respectifs de relations et d’échanges, et celle de l’Est de libertés fondamentales dans leur vie politique, économique et  sociale, traquée au quotidien par la Stasi, organe policier du régime en place. De plus les occidentaux ont dû renouveler moralement et matériellement leur soutien aux populations de RFA par le célèbre « ich bin ein berliner » de J. Kennedy, confirmant ainsi les efforts investis au cours du premier blocus de la ville.
Mur de séparation de la ville de Berlin en deux parties, Est  et Ouest, Construit par la RDA. 1961
              




Duval. Femmes fuyant leurs maisons
en flammes, au cours de la guerre d'Algérie.
            


Par ailleurs rappelons qu’en 1962, après une guerre de huit années, l’Algérie s’est libérée de l’emprise coloniale française. La guerre de libération  a entraîné des milliers de morts en particulier dans la population autochtone (250 000 environ), 25 000 soldats du contingent ont été tués par ailleurs et la majorité des supplétifs algériens, une fois lâchés par l’armée, ont servi d’otages et ont été massacrés par la rébellion, qui s’était peu à peu imposée au plan international et en fin de course aux anciens colonisateurs, à la suite des accords d’Evian.
Une fois passées ces années de tension extrême et de blocage des relations internationales, les gouvernements ont pris conscience que leurs choix politiques et militaires conduiraient à l’anéantissement du monde. De 1963 au milieu des années 70 une relative détente s’est alors installée, après une entente entre les deux K et la mise en place du téléphone rouge…

                Topor. Impérialisme soviétique en Pologne
Début des années 80
Cependant malgré les accords nucléaires qui ont été passé ensuite entre les blocs, l’Union soviétique n’a cessé de maintenir et même de développer son emprise, favorisant à son profit, l’émancipation de territoires anciennement colonisés par l’Europe comme l’Indochine et certains pays d’Afrique.
Dans la vieille Europe, il aura fallu attendre les événements et les grèves dures de Gdansk, en Pologne, au début des années 80, sur l’impulsion du syndicat Solidarnosc et sa reconnaissance en 1989 par Jaruzelski, pour susciter l’espoir que le monde communiste pouvait bouger.




Plantu. “Helmut ! On peut commencer ?
demande Mitterrand .”J’arrive j’arrive !” répond Helmut.
La réunification de l’Allemegne ne tarderait plus.
 
Confrontée à un challenge sans fin avec les Etats-Unis dans leur course aux armements, et probablement à la fronde des républiques soviétiques qu’elle avait dominées si longtemps, une restructuration de la vie économique et politique a été entreprise, en URSS même, par le secrétaire général Gorbatchev ; au cours de cette ère nouvelle de la Pérestroïka, on a enregistré en novembre 1989 la chute du mur de Berlin et la levée en masse de tout un peuple qui recouvrait la liberté. La réunification de l’Allemagne ne tarderait plus, une fois admis le caractère définitif de la frontière ODER-NEISSE et le droit aux réparations des Polonais contraints au travail forcé par les nazis (Chancelier Kohl, Varsovie, 14 novembre 1989).
Affaiblie par ce délitement progressif, au  point qu’elle ne pouvait plus apparaître, à partir des années 90, comme un empire concurrentiel du monde « dit libre », la Russie a laissé le leadership du monde aux Etats Unis. Ce constat pouvait entraîner dans l’opinion publique, l’ouverture d’une période de stabilité ; mais bien au contraire, une fois disparues les conditions qui avaient maintenu l’équilibre des forces de la guerre froide, après la chute du mur de Berlin, on allait assister à la naissance de conflits nationalistes qui couvaient depuis longtemps en Europe centrale. La mort de Tito par ailleurs, laissait sans couvercle la « marmite » de cette partie de l’Europe : le monde yougoslave a alors connu, à partir de 1991, une succession de guerres intestines (Slovénie en 1991, Croatie en 1991-92, guerre bosniaque de 1992 à 1995). Ce démantèlement général qui a ruiné l’emprise de Belgrade, a été entériné par les accords de Dayton en 1995, après que les forces de frappe des pays de l’OTAN aient neutralisé les offensives guerrières des Serbes, notamment contre Sarajevo et les populations musulmanes.
Par ailleurs on peut penser aussi, que le retrait des troupes russes de l’Afghanistan le 15 février 1989 et l’affaiblissement de l’influence soviétique sur la scène internationale, ont permis aux USA, une fois sortis vainqueurs de cette immense confrontation, d’intensifier d’une part la guerre en Afghanistan et d’autre part de déclencher les deux interventions militaires que l’on sait en Irak (guerre du Golf), pour contrôler en particulier les richesses pétrolifères de son territoire.
Il convient aussi de rappeler que périodiquement depuis la révolution iranienne de 1979, les Actualités rendent compte de la joute serrée qui s’exerce entre l’Iran et le monde occidental, sur le programme de production d’énergie nucléaire, en particulier les Etats Unis et leurs alliés craignant une utilisation inconsidérée à des fins militaires, de la technologie de l’arme atomique qui résulterait de leurs progrès scientifiques et techniques.
Cardon. “Sales jeunes !” paru dans Le canard enchainé.
Il arrive aussi que les médias portent leur attention sur les actualités concernant l’évolution de la Chine ; cette évolution ne s’applique  pas, semble-t-il, aux domaines politiques et sociaux : les mouvements étu-diants ont connu une répression sanglante en 1989 à Tian anmen. Par cette démonstration de force, il était évident que le régime en place se refusait à toute concession et n’était pas prêt à prendre en considération, les aspirations de liberté de la jeunesse. De nombreux leaders de ces mouvements ont été mis en prison. Deux caricaturistes, Cardon et Trez, ont rendu compte de cette répression sanglante : 


Trez. “ La Chine a besoin de sang” paru dans France-soir.

 

Le premier dans Le canard enchaîné et le second dans France soir, dessinant Deng Xsiao Ping récupérant le sang jeune des manifestants aplatis par les chenilles d’un char. Par contre, l’évolution économique de la Chine a rarement fait l’objet des actualités concernant les pays d’Asie.
Singapour, l’un des Pays du Dragon.
En dépit des productions envahissantes des pays du Dragon tels que Taïwan, Singapour, Hong Kong, la Corée du Sud, qui ont suivi le modèle japonais, on continue à parler de pays émergeants au sujet du continent asiatique. Il faut signaler cependant quelques rares exceptions dues à des recherches attentives : Modèles d’Asie. En Asie aujourd’hui, des réussites économiques pour quelles sociétés ?, publiés dans le numéro 45 de la revue MATERIAUX, en mars 1997 par exemple.  

MATERIAUX  Modèles d’Asie


Des ensembles aussi immenses que ceux de l’Inde et de la Chine semblent se positionner, comme une sorte de cheval de Troie, dans le monde occidental. Il est temps de prendre en compte les atouts du développement considérable de leur économie ; la progression de leur croissance permet à la Chine en particulier de jouer déjà le rôle de « banquier » des USA.
Leurs gouvernements en effet, ont compris l’importance des investissements scientifiques et technologiques et rejoignent le niveau des performances de l’Ouest en la matière ; le monde a pu constater par exemple qu’après une préparation hâtive, la Chine de Pékin a réalisé magistralement les jeux olympiques de 2009. Peuvent-ils submerger le potentiel économique que le monde occidental a développé, en particulier depuis près de deux siècles, et supplanter sa civilisation et sa culture ? Désormais la nouvelle organisation inter-régionale pèsera d’un grand poids. Il est souhaitable de prendre conscience de cette avancée,  et d’éviter une confrontation comme en ont connu, et à leur détriment, les nations d’Europe au siècle dernier, et d’envisager, en toute connaissance, un nouveau partage dans l’équilibrage planétaire.

Plantu. “Les boomerangs du Monde arabe. La Syrie de Kadhafi.
Venons-en maintenant aux actualités  de   février   et  mars 2011 qui révèlent brusquement, contrairement à ce qui s’était passé pour le monde asiatique, une véritable révolution politique touchant tour à tour la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, l’ile de Bahreim, et last but not least la Syrie de Kadhafi ; les peuples arabes secouent leurs autocraties qui  ont été consolidées par les pays occidentaux en échange de leurs richesses pétrolifères et de leurs pétrodollars, richesses dont les populations de ces pays, semble-il, n’ont pas bénéficié ; la prise de conscience de cette exploitation au seul profit des dirigeants permet de comprendre la révolte qui se propage dans le monde arabe, car elle tente de faire tomber les usurpateurs qui ont maintenu leur autoritarisme durant des décennies.
Siné. Prosélytisme culturel
et religieux pour saper les cultures
africaines ancestrales.
L’attitude des  occiden-taux face à ces pouvoirs sans partage et par voie de conséquence à l’oppression de leur peuple, rappelle étrangement celle des colonisateurs européens du XIXème siècle qui se sont livrés systéma-tiquement à un prosélytisme culturel et religieux pour saper les  cultures africaines ; ils se sont livrés aussi à des fournitures de fusils et de poudre au bénéfice des chefs locaux africains qui, affermis dans leur autorité, pouvaient ainsi  accepter, voire faciliter, la traite de leur propre tribu : des cargos entiers d’êtres humains furent ainsi réduits à l’esclavage.
Les occidentaux ont justifiés leur position depuis près d’un demi-siècle, à l’égard de ces régimes autocrates, en prétendant qu’ils constituaient un rempart à l’extension marxiste puis islamique. Cependant, après analyse de ce qui s’est passé depuis vingt ans, on peut considérer que cette attitude a plutôt exacerbé les tensions  entre cultures, et suscité les activités subversives des plus extrémistes : des exemples frappants ne manquent pas à travers les nombreux attentats organisés contre des organismes et leurs dirigeants, ambassades, entreprises, etc. ; en ce qui concerne le monde arabe, le plus symptomatique étant celui dirigé contre les Tours jumelles de New York et le Pentagone à Washington en 2001.


Pour en terminer avec ce rappel des actualités et de leur représentation sur cinq décennies, il faut bien constater une gigantesque confrontation armée, entre nations et entre continents où tous les coups ont été tentés pour dominer les territoires frontaliers, les continents et parvenir à  l’hégémonie mondiale.
Cependant l’humanité apparait protégée, jusqu’à maintenant, par une sorte de sagesse élémentaire de survie. Aussi convient-il de limiter les risques de conflits dévastateurs, en neutralisant les instigateurs de ces impérialismes si préjudiciables aux populations et à leur destin.
Le pouvoir sans partage et la tyrannie doivent être reconnus dès le début de leur tentative par les populations qu’ils veulent asservir ; aussi est-il nécessaire d’engager les peuples à rechercher l’information la plus objective possible ; et si la censure est telle que cet objectif est impossible à atteindre, la presse clandestine sous toutes ses formes constituera l’arme principale d’un contre-pouvoir efficace, à l’instar de celui du syndicat Solidarnosc en Pologne dans les années 1970-1980.
On voit à l’heure actuelle dans des pays d’Afrique et d’Asie et grâce à des relais documentés, les résultats d’une information en mesure de toucher les groupes et les individus : la rapidité des nouvelles technologies et leur mise en œuvre leur procurent en effet un accès aux informations les plus diverses. On voit à quel point les peuples « avertis » par les enseignements de l’histoire et par une perception suivie de l’actualité sous toutes ses formes, presse, images, radios, télévision, internet sont avides d’une liberté qu’ils n’osaient plus espérer.

La jeunesse avide de Liberté, à Tunis. WEB 2.0   WWW.LEXPRESS.FR I19 janvier 2011I45.


Reste à imaginer, ce qui n’est pas évident, une forme de délégation de pouvoir qui tiendra compte, avant tout, de l’intérêt général des peuples et des gouvernés.

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