A travers l’histoire des
hommes s’est tissé un fil ténu d’humour et d’espoir de l’Eirenée.
Dans sa marche et son évolution au cours de siècles d’obscurantisme
et de sauvagerie, l’homme a toujours tenté de combattre tour à tour, les
monstres des premiers ères et les grands fauves qui le déchiraient. Pour
échapper et survivre à ces périls, ainsi qu’aux cataclysmes qui fracturent
périodiquement la planète-terre, les hommes ont dû développer, instruits par
l’expérience, des contre-feux et des techniques de plus en plus opératoires.
Mais le combat permanent qui leur a permis de survivre, même
à travers de grands périls, a forgé les plus grands desseins et développé les
plus grandes passions : c’est un lourd héritage qui modèle
toujours l’esprit et explique en grande partie, les ressorts qui sous-tendent leurs activités et jusqu’à aujourd’hui. Au long des siècles,
des philosophes,littéralement des amis de la sagesse, ont expliqué ces
conditions d’existence, et proposé des solutions par une analyse de ce qu’est
l’homme, dans ses desseins, dans ses objectifs, dans ses méthodes et dans les
activités qu’il déploie, animé par une passion de la réussite et un effort
constant pour échapper au malheur et à la faillite.
Portrait de Montaigne |
Au rebours, nous nous sommes servis de leur ignorance et
inexpérience à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice, et
vers toute sorte d’inhumanité et de cruauté, à l’exemple et patron [modèle] de
nos mœurs. Qui mit jamais à tel prix le service de la mercadence [commerce] et
du trafic ? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de
millions de peuples passés au fil de l’épée, et la plus riche et belle partie
du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre !
Mécaniques [viles] victoires. Jamais l’ambition, jamais les inimitiés publiques
ne poussèrent les hommes les uns contre les autres à si horribles hostilités et
calamités si misérables ».
En côtoyant la mer à la quête de leurs mines, certains
Espagnols prirent terre en une contrée fertile et plaisante, fort habitée, et
firent à ce peuple leurs remontrances accoutumées : « Qu’ils étaient
gens paisibles, venant de lointains voyages, envoyés de la part du roi de
Castille, le plus grand prince de la terre habitable auquel le pape,
représentant Dieu en terre, avait donné la principauté de toutes les Indes (…) »
« A une autre fois, ils mirent brûler pour un coup, en
même feu, quatre cent soixante hommes tout vifs, les quatre cents du commun
peuple, les soixante des principaux seigneurs d’une province, prisonniers de
guerre simplement. Nous tenons d’eux-mêmes ces narrations, car ils ne les
avouent pas seulement, ils s’en vantent et les prêchent. Serait-ce pour
témoignage de leur justice, ou zèle envers la religion ? Certes, ce sont
voies trop diverses et ennemies d’une si sainte fin. S’ils se fussent proposé
d’étendre notre foi, ils eussent considéré que ce n’est pas en possession de
terres qu’elle s’amplifie, mais en possession d’hommes, et se fussent trop
contentés des meurtres que la nécessité de la guerre apporte, sans y mêler
indifféremment une boucherie, comme sur des bêtes sauvages, universelle, autant
que le fer et le feu y ont pu atteindre, n’en ayant conservé par leur dessein
qu’autant qu’ils en ont voulu faire de misérables esclaves pour l’ouvrage et
service de leurs minières (…) ».
Portrait de Voltaire par Holbein |
Dans ses pamphlets il dénoncera aussi l’injustice et
obtiendra la réhabilitation de Calas, et de Sirven ; il publiera encore Le traité sur la tolérance (1763) et le Dictionnaire
philosophique (1764).
Enfin réhabilité après vingt sept ans d’exil en 1778, il fera
représenter par la Comédie française, sa tragédie Irène.
Aristophane
Les guêpes. La paix. Collection Budé |
Sa première comédie conservée, Les Acharniens (425), est un plaidoyer pour la paix , thème repris
dans Les cavaliers.
Dans une troisième comédie intitulée explicitement La Paix, l’auteur présente son héros
Trygée, salué par le peuple qui désormais va vivre dans la joie et l’abondance,
débarrassé des fabricants et marchands d’armes de toutes sortes, après la mort
du tyran Créon. Le peuple entier des laboureurs, salue avec émotion et passion,
la Paix tant désirée, cf les vers 582-600. Dans cette pièce d’une gaîté franche
et continue, il exprime sa confiance dans la réalisation de ses vœux ; et
rappelant les causes de la guerre, l’auteur montre qu’elle est due uniquement à
quelques meneurs ambitieux et brouillons, les rois à Sparte, les démagogues et
les chefs militaires à Athènes.
Aristophane par anticipation montre les Choreutes chantant la
libération de la déesse Paix qui a été retenue prisonnière dans la Caverne, par
le tyran. Hermès :
libation, libation ! recueillez-vous, recueillez vous ! En faisant
cette libation, nous demandons que ce jour inaugure pour tous les Hellènes, une
longue suite de biens, et quiconque aura de bon cœur empoigné ces câbles1, que celui-là ne prenne jamais le bouclier.
Trygée. Non, par Zeus, mais qu’il passe sa vie au sein de la Paix,
avec une amie, à tisonner… les charbons2.
Hermès. Quant à celui qui préfère qu’il y ait la guerre, que jamais
il ne cesse, ô seigneur Dionysos…
Trygée. … de retirer de ses coudes des pointes de dards.
Buste d’Epicure. Le jardin et ses disciples |
Cette doctrine partagée par les disciples du philosophe, fut
ensuite enseignée par Hermarque, puis à Mytilène, en Egypte, et au deuxième
siècle, à Antioche et à Rome. Le disciple le plus célèbre, au premier siècle de
notre ère, fut Lucrèce (De natura rerum).
L’épicurisme connut un renouveau au XVIIème siècle avec Gassendi, critique de
Descartes et philosophe sensualiste, dont la physique atomiste et la morale
rejoignent celles d’Epicure.
A travers Gassendi, l’épicurisme influencera le matérialisme
moderne notamment Karl Marx.
Revenons maintenant à l’époque de la Renaissance, qui
déclencha d’abord en Italie au XVème siècle puis dans le reste de l’Europe, une
réouverture intellectuelle sur le monde antique. Cette renaissance a permis de
retrouver la pensée et la civilisation d’un monde de plusieurs siècles qui avait été
passé à la trappe, à la suite notamment de l’implantation sous l’empereur
Constantin, d’une religion monothéisme.
L’éditorial de ce premier numéro de la revue Sçavoir Faire Sçavoir a été rédigé en
hommage au théosophe de la Renaissance, Erasme, et en particulier à son
opuscule L’éloge de la folie qui
connut, en Europe, un grand succès. L’humaniste hollandais Erasme fit la
connaissance en Angleterre de Thomas More, chez qui il rédigea L’éloge de la folie (1511). Fondateur
d’un nouvel humanisme chrétien, il publia les Colloques (1518) dans lesquels il se moquait des prétentions des
protestants et de l’arrogance des catholiques. Il écrivit contre Luther le Traité du libre arbitre en 1524. Hostile
à tout fanatisme, il a cherché à définir un idéal de paix et de tolérance,
unissant sagesse antique et savoir moderne.
Portrait
d’Erasme par Largillière et extrait de l’Eloge de la folie |
Et si les traducteurs ajoutent qu’à travers cet exercice qui
mêle l’ironie et l’absurde et met en scène la Folie sous les traits d’une femme
à longues oreilles ornées de grelots, démontrant à ses auditeurs qu’ils sont tous
des fous et qu’elle seule a du bon sens, on comprend que l’auteur condamne le
fanatisme et témoigne du difficile accord entre l’intelligence et la foi.
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1.Les câbles servaient à retirer les rochers qui obstruaient la caverne où était captive la déesse Paix, Eirénée.
2. A tisonner… les charbons. « Les charbons » est une surprise au lieu du mot attendu « le foyer », ou « les organes » double sens précisé par le contexte.
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1.Les câbles servaient à retirer les rochers qui obstruaient la caverne où était captive la déesse Paix, Eirénée.
2. A tisonner… les charbons. « Les charbons » est une surprise au lieu du mot attendu « le foyer », ou « les organes » double sens précisé par le contexte.
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